狮王传说
传说中狮子王的故事
正文
SEPT ANS AU TIBET.
Jean-Jacques Annaud
Etats-Unis-France
Pour quitter Vienne, en 1938, la légende veut que Sigmund Freud ait dû laisser en gage à la police politique hitlérienne un témoignage écrit : « Je recommande cordialement la Gestapo à tous mes amis »… Un an plus tard, le père de la psychanalyse mourait à Londres quand l’alpiniste émérite Heinrich Harrer et ses amis s’apprêtaient à conquérir un sommet dans l’Himalaya. Sous les applaudissements et les flashes de la propagande, Heinrich prend un train tout confort.
Jean-Jacques Annaud débute son film sur ce quai de gare. A aucun moment on n’en saura plus sur les engagements de Harrer. L’acteur Brad Pitt (« Seven ») lui prête ses traits à la blondeur et à la plastique tout aryenne. Son personnage apparaît comme un Autrichien, sportif avant tout, individualiste jusqu’à l’égoïsme, en proie à des démêlés intimes. Sa femme accouchera durant son séjour himalayen et demandera le divorce, tandis qu’une des guerres les plus meurtrières du siècle débute ; aspect placé en hors champ par le cinéaste. A l’écran, on verra de splendides paysages et le gentil Brad Pitt derrière les barbelés d’un camp - mais tenu par les Anglais - tenter de s’échapper puis réussir. D’escalade, hors quelques plans, il sera bien peu question. Le film confronte en un manichéisme tout hollywoodien Heinrich et Peter (David Thewlis). L’un est donc arrogant, égoïste mais beau quand le second est réservé plus terne d’apparence. Le montagnard solitaire connaîtra la rédemption en transférant son amour filial sur la personne du jeune dalaï-lama Tenzin Gyatso (interprété par le pétillant Jamyang Wangchuck) et en constatant que Peter s’adapte mieux aux femmes et moeurs tibétaines que lui.
Les bonnes intentions tiennent de la barbe à papa. Elles prennent de la place pour peu de matière, leurs couleurs chatoient et, à peine y avez vous goûté, elles vous collent à la peau, vous engluent sous un océan de guimauve. Le réalisateur de « l’Ours » a signé avec un studio hollywoodien pour 60 millions de francs un projet dont l’argument est la défense du Tibet - après Bertolucci et avant Scorsese -, sur fond de rachat de fautes dont on n’a à l’écran qu’une vision bien édulcorée.
Jean-Jacques Annaud aime la nature, les animaux. Jean-Jacques Annaud aime les belles histoires et le sport qui réconcilie l’âme avec l’environnement. Jean-Jacques Annaud est fana d’exploits et de décors à vous couper le souffle. Jean-Jacques Annaud ne fait pas de politique, sauf pour défendre un pays envahi par les troupes chinoises, cause honorable au demeurant. La reconstitution dans la cordillère des Andes de la cité de Lhassa - défigurée depuis par les Chinois -, le recours à la diaspora pour jouer la figuration doivent procurer une indéniable émotion à la communauté. Le choix d’en parler par le biais de l’odyssée de Heinrich Harrer prête pour le moins à discussion.
Jean-Jacques Annaud, qui débuta son tournage en 1996, déclare dans un ajout au dossier de presse : « Harrer n’a été ni un criminel de guerre ni un militant actif. Il était beau et blond, content de lui, antisémite comme la plupart de ses concitoyens et fier de l’être. Il n’avait aucune conscience politique avant de partir pour le Tibet. Athlète ambitieux et arriviste, il a signé un pacte avec le diable, sans état d’âme. Il admet aussi qu’au début de sa carrière il était prêt à n’importe quoi pour escalader une montagne. »
Le magazine « Stern » a révélé, le 29 mai dernier, le grade de sergent dans la SS, chargé de l’entraînement en montagne de ses troupes de choc, qu’avait Harrer. Ce dernier prétend n’avoir jamais pu en fait accomplir cette tâche. Il n’en reste pas moins qu’il s’est engagé dès 1933 dans la SA, les autres bataillons paramilitaires du parti nazi, alors clandestin en Autriche. Hitler lui remettra un piolet à croix gammée pour l’un de ses exploits, quand il ne se fera pas photographier à ses côtés. Voilà pour le sportif hors des réalités politiques. Apprenant cela, le cinéaste n’aura ajouté dans le film que quelques phrases en voix off : « J’ai honte en pensant que mes concitoyens ont agi de manière identique » et « cette volonté d’écraser les peuples les plus faibles me remplit de honte. Je tremble en pensant que j’ai autrefois partagé les mêmes idées ». L’apolitisme sur le passé nazi de son personnage principal, conjugué au message engagé quant au cadre historique de ses actions, amène le cinéaste à adopter une perspective non seulement faussée mais franchement douteuse.
Une des scènes fortes du film est de voir le jeune dalaï-lama cauchemarder sur le massacre réel de la population de son village natal par les troupes chinoises. Le trait d’égalité posé entre nazisme - que l’on ne voit pas - et communisme chinois - dont l’invasion est montrée - est tout simplement insupportable. Pareilles assimilations (au pire) ou à-peu-près (au mieux) ne peuvent que nourrir le discours révisionniste.
Voilà où peut mener une conception de la réflexion comme mariage de l’émotion et du coup de poing, du cinéma comme divertissement, du film comme simple moment à passer et tiroir-caisse à remplir. A en pleurer. De rage.
MICHEL GUILLOUXSOYEZ LE PREMIER A REAGIR A CET ARTICLE
Jean-Jacques Annaud : Sept ans au Tibet D'après le récit d'Heinrich Harrer, avec Brad Pitt.
Martin Scorsese : Kundun Une biographie du 14ème Dalaï Lama par le brillant réalisateur New-Yorkais.
Bernardo Bertolucci Histoire, aventures
Claude b. Levenson : Tibet, La question qui dérange L'histoire du Tibet et la situation actuelle.
Alexandra David-Néel : Voyage d'une Parisienne à Lhassa Un long périple pédestre à travers le Tibet interdit pour être la première occidentale à parvenir à Lhassa en 1924.
Alexandra David-Néel : Le lama aux cinq sagesses Un roman écrit avec son fils adoptif, le lama Yongden.
Alexandra David-Néel : La vie surhumaine de Guésar de Ling L'épopée traditionnelle du plus célèbre héros tibétain. Heinrich Harrer : Sept ans d'aventures au Tibet Un alpiniste nazi se réfugie au Tibet à la fin de la guerre et devient ami du jeune Dalaï Lama.
Claude Arpi : Tibet, le pays sacrifié Ouvrage de référence sur l'histoire du Tibet jusqu'à nos jours.
Donald Lopez : Fascination tibétaine Analyse de la vision du Tibet par les occidentaux confrontée à la réalité.
Reinhold Messner : Yeti, du mythe à la réalité Le célèbre alpiniste italien a parcouru le Tibet à la recherche du Yéti et nous présente ses résultats.
Alexandre Poussin, Sylvain Tesson : La marche dans le ciel Ces véritables aventuriers nous racontent leur traversée intégrale de la chaîne himalayenne à pied
http://www.liberation.fr/actualite/monde/316014.FR.php?rss=true&xtor=RSS-450
http://www.humanite.fr/1997-11-26_Articles_-Un-Tintin-nazi-sans-yeti
http://www.alain-collet.com/Tibet/Biblio.html
Jean-Jacques Annaud
Etats-Unis-France
Pour quitter Vienne, en 1938, la légende veut que Sigmund Freud ait dû laisser en gage à la police politique hitlérienne un témoignage écrit : « Je recommande cordialement la Gestapo à tous mes amis »… Un an plus tard, le père de la psychanalyse mourait à Londres quand l’alpiniste émérite Heinrich Harrer et ses amis s’apprêtaient à conquérir un sommet dans l’Himalaya. Sous les applaudissements et les flashes de la propagande, Heinrich prend un train tout confort.
Jean-Jacques Annaud débute son film sur ce quai de gare. A aucun moment on n’en saura plus sur les engagements de Harrer. L’acteur Brad Pitt (« Seven ») lui prête ses traits à la blondeur et à la plastique tout aryenne. Son personnage apparaît comme un Autrichien, sportif avant tout, individualiste jusqu’à l’égoïsme, en proie à des démêlés intimes. Sa femme accouchera durant son séjour himalayen et demandera le divorce, tandis qu’une des guerres les plus meurtrières du siècle débute ; aspect placé en hors champ par le cinéaste. A l’écran, on verra de splendides paysages et le gentil Brad Pitt derrière les barbelés d’un camp - mais tenu par les Anglais - tenter de s’échapper puis réussir. D’escalade, hors quelques plans, il sera bien peu question. Le film confronte en un manichéisme tout hollywoodien Heinrich et Peter (David Thewlis). L’un est donc arrogant, égoïste mais beau quand le second est réservé plus terne d’apparence. Le montagnard solitaire connaîtra la rédemption en transférant son amour filial sur la personne du jeune dalaï-lama Tenzin Gyatso (interprété par le pétillant Jamyang Wangchuck) et en constatant que Peter s’adapte mieux aux femmes et moeurs tibétaines que lui.
Les bonnes intentions tiennent de la barbe à papa. Elles prennent de la place pour peu de matière, leurs couleurs chatoient et, à peine y avez vous goûté, elles vous collent à la peau, vous engluent sous un océan de guimauve. Le réalisateur de « l’Ours » a signé avec un studio hollywoodien pour 60 millions de francs un projet dont l’argument est la défense du Tibet - après Bertolucci et avant Scorsese -, sur fond de rachat de fautes dont on n’a à l’écran qu’une vision bien édulcorée.
Jean-Jacques Annaud aime la nature, les animaux. Jean-Jacques Annaud aime les belles histoires et le sport qui réconcilie l’âme avec l’environnement. Jean-Jacques Annaud est fana d’exploits et de décors à vous couper le souffle. Jean-Jacques Annaud ne fait pas de politique, sauf pour défendre un pays envahi par les troupes chinoises, cause honorable au demeurant. La reconstitution dans la cordillère des Andes de la cité de Lhassa - défigurée depuis par les Chinois -, le recours à la diaspora pour jouer la figuration doivent procurer une indéniable émotion à la communauté. Le choix d’en parler par le biais de l’odyssée de Heinrich Harrer prête pour le moins à discussion.
Jean-Jacques Annaud, qui débuta son tournage en 1996, déclare dans un ajout au dossier de presse : « Harrer n’a été ni un criminel de guerre ni un militant actif. Il était beau et blond, content de lui, antisémite comme la plupart de ses concitoyens et fier de l’être. Il n’avait aucune conscience politique avant de partir pour le Tibet. Athlète ambitieux et arriviste, il a signé un pacte avec le diable, sans état d’âme. Il admet aussi qu’au début de sa carrière il était prêt à n’importe quoi pour escalader une montagne. »
Le magazine « Stern » a révélé, le 29 mai dernier, le grade de sergent dans la SS, chargé de l’entraînement en montagne de ses troupes de choc, qu’avait Harrer. Ce dernier prétend n’avoir jamais pu en fait accomplir cette tâche. Il n’en reste pas moins qu’il s’est engagé dès 1933 dans la SA, les autres bataillons paramilitaires du parti nazi, alors clandestin en Autriche. Hitler lui remettra un piolet à croix gammée pour l’un de ses exploits, quand il ne se fera pas photographier à ses côtés. Voilà pour le sportif hors des réalités politiques. Apprenant cela, le cinéaste n’aura ajouté dans le film que quelques phrases en voix off : « J’ai honte en pensant que mes concitoyens ont agi de manière identique » et « cette volonté d’écraser les peuples les plus faibles me remplit de honte. Je tremble en pensant que j’ai autrefois partagé les mêmes idées ». L’apolitisme sur le passé nazi de son personnage principal, conjugué au message engagé quant au cadre historique de ses actions, amène le cinéaste à adopter une perspective non seulement faussée mais franchement douteuse.
Une des scènes fortes du film est de voir le jeune dalaï-lama cauchemarder sur le massacre réel de la population de son village natal par les troupes chinoises. Le trait d’égalité posé entre nazisme - que l’on ne voit pas - et communisme chinois - dont l’invasion est montrée - est tout simplement insupportable. Pareilles assimilations (au pire) ou à-peu-près (au mieux) ne peuvent que nourrir le discours révisionniste.
Voilà où peut mener une conception de la réflexion comme mariage de l’émotion et du coup de poing, du cinéma comme divertissement, du film comme simple moment à passer et tiroir-caisse à remplir. A en pleurer. De rage.
MICHEL GUILLOUXSOYEZ LE PREMIER A REAGIR A CET ARTICLE
Jean-Jacques Annaud : Sept ans au Tibet D'après le récit d'Heinrich Harrer, avec Brad Pitt.
Martin Scorsese : Kundun Une biographie du 14ème Dalaï Lama par le brillant réalisateur New-Yorkais.
Bernardo Bertolucci Histoire, aventures
Claude b. Levenson : Tibet, La question qui dérange L'histoire du Tibet et la situation actuelle.
Alexandra David-Néel : Voyage d'une Parisienne à Lhassa Un long périple pédestre à travers le Tibet interdit pour être la première occidentale à parvenir à Lhassa en 1924.
Alexandra David-Néel : Le lama aux cinq sagesses Un roman écrit avec son fils adoptif, le lama Yongden.
Alexandra David-Néel : La vie surhumaine de Guésar de Ling L'épopée traditionnelle du plus célèbre héros tibétain. Heinrich Harrer : Sept ans d'aventures au Tibet Un alpiniste nazi se réfugie au Tibet à la fin de la guerre et devient ami du jeune Dalaï Lama.
Claude Arpi : Tibet, le pays sacrifié Ouvrage de référence sur l'histoire du Tibet jusqu'à nos jours.
Donald Lopez : Fascination tibétaine Analyse de la vision du Tibet par les occidentaux confrontée à la réalité.
Reinhold Messner : Yeti, du mythe à la réalité Le célèbre alpiniste italien a parcouru le Tibet à la recherche du Yéti et nous présente ses résultats.
Alexandre Poussin, Sylvain Tesson : La marche dans le ciel Ces véritables aventuriers nous racontent leur traversée intégrale de la chaîne himalayenne à pied
http://www.liberation.fr/actualite/monde/316014.FR.php?rss=true&xtor=RSS-450
http://www.humanite.fr/1997-11-26_Articles_-Un-Tintin-nazi-sans-yeti
http://www.alain-collet.com/Tibet/Biblio.html
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